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Photo du rédacteurAlexandre Perry

RSE : entre contrainte imposée et opportunité de long terme


Image générée par ChatGPT

La Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) est aujourd'hui un sujet incontournable dans le discours sur le développement durable. Pourtant, elle reste perçue par certains dirigeants de PME comme un luxe, voire une contrainte, dans un contexte économique tendu. La RSE est-elle réellement au cœur des préoccupations des chefs d'entreprise, ou est-ce de l’ordre du « wishful thinking » ?


Notre analyse s’appuie sur notre expérience auprès de dirigeants de PME / ETI (engagés ou non sur des sujets RSE), des fonds d’investissement avec qui nous collaborons, ainsi que par des entretiens que nous avons menés en complément auprès d’experts du secteur : consultants RSE et investisseurs dans des fonds à impact.



Un contexte en mutation : entre obligations et opportunités

Les cadres réglementaires, tels que la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) en Europe, imposent de plus en plus d'exigences aux entreprises, grandes ou petites. À partir de 2026, les entreprises européennes de plus de 250 salariés devront publier un reporting extra-financier annuel, c'est-à-dire un état des lieux des conséquences sociétales, environnementales et de gouvernance de leur activité.


Cependant, une part significative de PME, TPE et ETI reste peu mature sur ces sujets, avec des budgets dédiés souvent très limités. En effet, des experts interrogés nous confirment que 20 à 40 % des dirigeants qu’ils accompagnent restent réfractaires à la RSE, priorisant d'autres urgences économiques.

Source : Baromètre de la RSE (Carenews)

Pourquoi les entreprises adoptent-elles la RSE ?

Les entreprises intègrent des politiques RSE sous l’influence de deux grands leviers :

  • D’une part, les leviers structurels, tels que les exigences réglementaires (par exemple la CSRD, le bilan carbone) et les impératifs économiques (réduction des coûts, gestion des risques) ;

  • D’autre part, les leviers réputationnels, s’appuyant sur une approche marketing destinée à répondre aux attentes des clients, à attirer et fidéliser des talents sensibles aux enjeux sociétaux, à rassurer les investisseurs et partenaires financiers engagés, et à renforcer les relations avec les pouvoirs publics grâce à une image responsable.


Depuis quelques années, on observe un glissement progressif des budgets RSE, auparavant majoritairement consacrés à des actions de valorisation réputationnelle, vers des initiatives davantage structurantes. Cette réorientation est portée en grande partie par le durcissement des exigences réglementaires, qui incitent les entreprises à intégrer des objectifs environnementaux, sociaux et de gouvernance plus concrets et mesurables.

 

En parallèle, les grandes entreprises affichent une stratégie de décarbonation de plus en plus ambitieuse, motivée non seulement par la nécessité de se conformer aux normes en vigueur, mais aussi par des considérations économiques : réduction des coûts liés à l’énergie, optimisation des ressources et gestion proactive des risques.



Un besoin croissant d’accompagnement

Dans ce contexte, le marché du conseil en RSE a connu une croissance rapide ces dernières années, de l’ordre de +20% par an en France, portée par des cabinets de conseil généralistes (BCG, KPMG, Wavestone…) et spécialistes (Carbone4, ERM, Des Enjeux et des Hommes…).


Cependant, cette forte croissance s’accompagne d’une compétition accrue. Cette dynamique tire les prix vers le bas, rendant parfois difficile la rentabilité des missions, surtout pour les petits cabinets. Certains acteurs n’hésitent pas à proposer leurs services à des tarifs très bas, voire gratuitement, dans une logique d’évangélisation ou pour se positionner sur des projets stratégiques.


En conséquence, les entrepreneurs se retrouvent plongés dans une véritable jungle d’offres, un environnement dense et confus où il leur est difficile de faire le tri. Sans boussole ni repères clairs quant à leurs véritables besoins, ils risquent de s’égarer au milieu de propositions aux allures séduisantes mais potentiellement trompeuses, comme autant de lianes intriquées.



Quel avenir pour la RSE dans les PME ?

La question reste ouverte : la RSE peut-elle réellement s’imposer parmi les priorités des dirigeants de PME ? Certains d’entre eux, déjà convaincus, parviennent à transformer cette contrainte apparente en un levier de différenciation et de création de valeur. Mais au-delà de quelques cas inspirants — qu’il s’agisse d’expérimentations menées par de grands groupes comme Renault (sa filiale « The Future is Neutral » est pionnière de l’économie circulaire dans l’industrie automobile) ou d’initiatives portées par des chefs de PME engagés comme LDLC (instauration de la semaine de 4 jours sans réduction de salaire avec pour résultat une amélioration du bien-être au travail) — la transition vers une RSE authentique demeure lente.


En effet, la sortie du « greenwashing » se heurte à plusieurs obstacles :

  • Des pressions essentiellement marketing : Les incitations exercées par les clients, les talents ou les investisseurs conduisent souvent à des actions plus symboliques que structurelles. C’est le cas, par exemple, de campagnes publicitaires de GRDF vantant le gaz vert, alors que ce dernier ne représente en réalité qu’à peine 1 % du gaz consommé en France ;

Publicité GRDF pour le gaz vert
  • Des leviers réglementaires et économiques limités : Bien que la réglementation et les mécanismes économiques aient le potentiel de placer la RSE au centre des préoccupations des entreprises, leurs effets restent aujourd’hui modestes. La réglementation avance à pas lents, sans réel caractère contraignant, tandis que les économies réalisées grâce à la RSE dépendent largement de l’existence d’aides publiques, elles-mêmes conditionnées par l’évolution de la législation.


L'adoption d’une RSE sincère et ambitieuse ne se fera pas du jour au lendemain. Les PME, prises entre des pressions essentiellement communicationnelles et un cadre réglementaire encore timide, devront faire preuve de patience, d’innovation et d’engagement pour ancrer véritablement la RSE dans leur stratégie et leur modèle d’affaires.



La transformation des modèles d’affaires comme opportunité stratégique

L’émergence de nouvelles normes financières internationales (notamment sous l’impulsion de l’International Sustainability Standards Board de la Fondation IFRS) devrait rendre inévitable l’intégration des impacts environnementaux dans les états financiers. Cette évolution, visant à renforcer la transparence et la confiance des investisseurs, imposerait aux entreprises une véritable prise en compte de leur empreinte carbone.


Face à cette nouvelle donne, la réduction de l’empreinte environnementale des entreprises ne sera plus uniquement un levier de performance à long terme, mais une condition de maintien de la compétitivité financière. Les entreprises qui anticipent cette intégration comptable pourraient avoir un avantage sur le long terme.


Ainsi, adopter des modèles d’affaires vertueux, tels que l’économie circulaire, pourrait représenter une opportunité stratégique. Au-delà d’améliorer l’image de marque, cela permettrait de répondre aux attentes des parties prenantes et de s’adapter efficacement aux futures contraintes réglementaires et financières.



Conclusion

En définitive, si la RSE n’est plus cantonnée au rang d’effet de mode et s’impose progressivement comme une composante incontournable de l’activité économique, son adoption réelle et sincère au sein des entreprises demeure un processus lent et semé d’embûches. Entre pressions essentiellement marketing, réglementation encore trop timide et marché du conseil en pleine ébullition, les dirigeants sont confrontés à un paysage confus et en évolution constante.


Cette complexité croissante, renforcée par une volonté d’intégration des impacts environnementaux dans la comptabilité et le reporting financier, pourrait toutefois finir imposer un tournant décisif. La décarbonation des activités et la transformation des modèles d’affaires, d’abord perçues comme des contraintes, pourraient se révéler de véritables leviers de compétitivité et de résilience.

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