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Photo du rédacteurRachid Mouchaouche

Les PME industrielles françaises : clé de voute de la réindustrialisation

Dernière mise à jour : 15 juil.


Cet article est le premier d'une série consacrée aux enjeux de la réindustrialisation en France.

Notre démarche est d’identifier des pistes d’action sur lesquelles notre métier de conseil en stratégie peut intervenir au niveau des entreprises. Elle aura abouti si l’on arrive à convaincre qu’en ‘faisant notre part’, nous pouvons participer au projet de réindustrialisation de la France.


Et pour cela, nous proposons de commencer par faire un constat très factuel de la situation de l’industrie en France.


industrie

Image générée par ChatGPT


La réindustrialisation est devenue le nouveau credo économique en France. Invoquée tant pour des raisons de souveraineté industrielle que pour dynamiser l'emploi, elle fait désormais consensus. Le gouvernement s'est même fixé un objectif chiffré : porter le poids de l'industrie à 15% du PIB, contre 10% actuellement. Mais que nous apprennent réellement les chiffres sur l'état de l'industrie française ?


S’il faut réindustrialiser, c’est qu’il y a eu désindustrialisation. Comprendre la désindustrialisation permet de savoir où se situe le problème et où nous pouvons intervenir. En particulier, identifier les points de faiblesse de l’industrie française, vis-à-vis de ses pairs européens, mais également dans la particularité de son modèle industriel.



Qu'entend-t-on par industrialisation - désindustrialisation - réindustrialisation ?


À ce stade, il est crucial de clarifier certains termes, car leur signification influence l'analyse.


La notion d'industrialisation, ainsi que ses dérivés (désindustrialisation et réindustrialisation), est définie par le rapport entre la valeur produite par l'industrie manufacturière (le PIB manufacturier[1]) et la valeur produite par l'ensemble de l'économie (le PIB marchand[2]). Il s'agit donc d'une perspective relative.


Cette définition permet de mesurer la spécialisation industrielle d'un pays. En conséquence, parler d'industrialisation (ou de désindustrialisation, voire de réindustrialisation) n'est jamais neutre ou sans implication. Ce qui importe, ce n'est pas tant le niveau de richesse créé, mais la manière dont cette richesse est générée.


Dans le contexte économique actuel de la France, cette notion prend tout son sens par son approche dynamique : ce qui est important, ce n'est pas tant l'objectif de 15%, mais plutôt les 5 points supplémentaires à atteindre. Cela représente une direction structurante visant à renforcer la base industrielle, indépendamment du niveau de départ.


Étant une volonté politique, cela nécessite des actions concrètes pour se réaliser. Selon la philosophie de Paul Ricoeur, une véritable volonté politique se donne les moyens d'agir et de provoquer des changements. Ainsi, le choix du gouvernement d'utiliser cet indicateur relatif, bien qu'imparfait, permet de mettre en œuvre des actions pour atteindre cet objectif.


Cependant, selon Kant, pour orienter l'action de manière correcte, la raison doit accompagner la volonté. Nous proposons d'introduire un peu de raison (des chiffres) dans cette volonté politique afin de guider les actions. Pour ce faire, nous commencerons par comprendre factuellement (donc de manière raisonnable) les causes de la désindustrialisation en France et identifier où se situent les problèmes.


La désindustrialisation se perçoit comme une dynamique qui réduit le poids relatif de l'industrie manufacturière dans l'économie. Il est important de distinguer une baisse relative de la production manufacturière dans une économie en forte croissance d'une économie à faible croissance.


La tendance économique va dans le sens de la désindustrialisation. La spécialisation internationale permet aux pays moins développés industriellement de se développer, incitant les vieux pays industriels à se concentrer sur des secteurs plus immatériels.


Ainsi, l'objectif de réindustrialiser (les fameux 5 points) n'a de sens que si la désindustrialisation précédente n'est pas simplement une évolution normale d'un vieux pays industriel, mais plutôt une fragilisation excessive de sa base industrielle.


Dans cet article, nous démontrons, chiffres à l'appui, que la France a effectivement subi une fragilisation de sa base industrielle, touchant particulièrement les PME, avec un modèle industriel national jouant un rôle significatif.


Il s'agit d'un constat statistique, certes aride, mais factuel et donc sujet à débat enrichissant.


Le principal résultat, bien que limité, est que ces statistiques montrent clairement où nos efforts doivent se concentrer pour inverser la tendance : les faits sont têtus.


La suite de cet article traitera donc des statistiques...



Un constat nuancé de la désindustrialisation


Entre 2015 et 2021, le poids de l'industrie dans l'économie marchande a diminué dans les trois pays étudiés : France, Allemagne et Italie. Cependant, la baisse est plus prononcée en Allemagne (-7 points) qu'en France et en Italie (-4 points chacune). Paradoxalement, l'Allemagne, souvent citée en exemple, semble avoir plus souffert de la désindustrialisation que la France sur cette période.


Poids de l'industrie dans le PIB marchand en Allemagne, Italie et France

Mais la réalité est plus complexe qu'il n'y paraît. Si les trois pays ont effectivement connu une désindustrialisation, celle-ci n'est pas homogène et touche principalement les PME.


Poids des entreprises de l’industrie manufacturière dans le PIB marchand selon la taille (2021 vs 2015)

Il convient toutefois de nuancer le terme de "désindustrialisation". Entre 2015 et 2021, l'industrie manufacturière a connu une croissance dans les trois pays étudiés : +6% par an en Allemagne, +3% en France, et +4% en Italie. La perception de désindustrialisation vient du fait que le secteur tertiaire a crû encore plus rapidement.



Des modèles industriels distincts


La comparaison avec nos voisins européens met en lumière des modèles industriels différents :

  • Le modèle franco-allemand est dominé par les ETI et grandes entreprises, qui représentent plus de 70% du PIB manufacturier.

  • Le modèle italien se caractérise par un tissu dynamique de PME industrielles, qui pèsent pour 50% du PIB manufacturier.


Répartition du poids des entreprises dans l’industrie manufacturière1 en Allemagne, France et Italie

Cependant, là où l'Allemagne présente une synergie entre grands groupes et PME, la France montre une décorrélation inquiétante. Les grandes entreprises françaises, tournées vers l'international, semblent déconnectées du tissu local de PME.



La spécificité française : des PME industrielles en difficulté


L'analyse de l'évolution de la valeur ajoutée révèle une particularité française préoccupante.


Évolution du PIB manufacturier par taille d'entreprises

Contrairement à l'Allemagne et à l'Italie, où la valeur créée par les PME industrielles est restée stable ou a augmenté, la France est le seul pays où celle-ci a diminué (-3% par an). Cette baisse contraste fortement avec la croissance observée dans les ETI et grandes entreprises françaises (+7% par an).


Plus inquiétant encore, à l'exception de trois secteurs (biens de consommation, bois et agroalimentaire), la valeur ajoutée produite par les PME en France baisse de manière significative dans tous les domaines industriels.


Croissance annuelle de la valeur ajoutée par secteurs


Quelle stratégie pour la réindustrialisation ?


Face à ce constat, deux approches se dessinent pour la France :

  1. Renforcer le modèle actuel en soutenant le développement des ETI et grandes entreprises, au risque de voir la désindustrialisation des PME se poursuivre.

  2. S'inspirer du modèle italien en développant un écosystème de PME industrielles performantes.



« Faire notre part »


La réindustrialisation de la France passe nécessairement par un soutien accru aux PME industrielles. Il s'agit de les aider à valoriser leurs atouts et à s'adapter aux nouvelles réalités du marché. C'est à cette condition que la France pourra retrouver une base industrielle solide et diversifiée, capable de soutenir une croissance durable et inclusive.


Notre expérience de l’accompagnement de PME industrielles nous a confirmé qu’il existe des gisements de croissance au sein des PME françaises, qui disposent des ressources, des individualités, des savoir-faire et d’une capacité à évoluer.


Notre ambition est de faire notre part : participer au développement des PME industrielles en les aidant à valoriser leurs atouts.


 

Notes :

  1. Le terme "PIB manufacturier" est utilisé par souci de simplification. Il s'agit en réalité de la création de valeur de l'industrie manufacturière, qui se distingue du PIB car elle ne prend pas en compte l'ajout des impôts et taxes et le retrait des subventions.

  2. De même, le "PIB marchand" désigne la valeur ajoutée de l'économie marchande, qui inclut l'industrie manufacturière, l'industrie extractive, la construction et les services marchands, mais exclut les autres composantes du PIB (administrations, ménages, associations à but non lucratif…).

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