Dans un article précédent consacré à la relance de l'industrie nucléaire, nous anticipions une forte croissance des besoins en électricité en France à moyen terme, principalement liée à la hausse des prix du pétrole et du gaz et la volonté d’électrifier les usages pour réduire leur impact carbone.
En attendant le déploiement du nouveau parc nucléaire, ce sont les productions renouvelables intermittentes qui apparaissent comme les technologies les plus rapides à mettre en œuvre.
Cependant, une foi que celles-ci prennent une place significative sur le réseau et en l’absence de productions pilotables adaptées pour palier leur intermittence comme les centrales gaz, il devient nécessaire de trouver ailleurs des solutions pour assurer la stabilité et la fiabilité de l’approvisionnement du réseau électrique, comme le stockage d’électricité.
Nous voyons donc émerger de nombreux développements innovants visant à mettre en place des systèmes de stockage d’électricité renouvelable :
De nouvelles technologies de batteries, comme la solution de Form Energy basées sur la rouille (fer-air)
D’autres solutions thermochimiques comme la technologie développée par SaltX Technology se fondent sur les interactions entre le sel et l’eau
Des systèmes innovants de stockage gravitationnel à partir de centaines de briques développé par Energy Vault
Toutefois, les problématiques liées au stockage sont nombreuses, avec des situations très différentes en fonction des technologies de production et des cycles météorologiques :
Sur ce graphique nous pouvons facilement identifier un premier enjeu, qui est la durée de stockage de l’électricité. On observe que pour que les productions photovoltaïque et éolienne s’accordent avec la consommation il faudra stocker une surproduction au moins à l’échelle de la journée, du mois mais aussi à l’échelle des saisons.
A l’échelle d’un réseau électrique, d’autres sujet peuvent aussi demander des stocks d’électricité : la gestion des pics de consommation, les réserves en cas de panne du réseau ou encore l’ajustement à des écarts brusques entre approvisionnement et consommation d’électricité. Ainsi, selon l’application, la durée de stockage, la durée de décharge, la capacité de stockage, la réactivité du système seront des paramètres à considérer.
Des technologies à adapter au type de besoin de stockage
Ainsi, les différentes technologies de stockage ne seront parfois pas pertinentes pour certains types d’applications, et leur performance économique sera variable en fonction des cas d’usage.
Les tableaux suivants sont extraits d’une étude visant à projeter les coûts futurs du stockage d’électricité datant de 2019 réalisée par le Centre des Politiques environnementales de l’Imperial College of London.
Ces premiers tableaux indiquent les technologies les plus compétitives en fonction de la durée et la fréquence des décharges d’électricité stockée parmi six (PHES : stations de pompage hydroélectrique ; CAES : stockage par air comprimé ; Li-ion : batteries lithium-ion, VRFB : Batteries à flux redox et vanadium ; Flywheel : volants d’inertie ; Hydrogen : stockage sous forme d’hydrogène).
Les coûts considérés sont les coûts actualisés du stockage, en US$/MWh, et la clarté de la couleur sera fonction de l’écart entre la technologie la plus compétitive et la seconde.
Les batteries et l'hydrogène devraient prendre une place plus importante d'ici 2040
D’une part, ces données confirment que différents usages demanderont de considérer des technologies différentes. Les batteries tendront à être les plus performantes sur des durées de stockage courtes (moins de 16h) et sur une fréquence de décharge limitée. Pour le stockage saisonnier, c’est le stockage par air comprimé qui serait le plus compétitif aujourd’hui et serait remplacé à l’avenir par des solutions basées sur l’hydrogène.
Un véritable enjeu de compétitivité
Selon les applications le coût final de l’électricité sera variable mais tendra à gagner en compétitivité. Les graphiques ci-dessous présentent les LCOS (levelized cost of storage) en US$/MWh de la technologie la plus compétitive (voir les graphiques du paragraphe précédent) en fonction de la durée et la fréquence des décharges d’électricité stockée, avec un coût moyen de production de l’électricité (avant stockage) de 50 $/MWh.
Le coût de l'électricité stockée serait de l'ordre de 400 US$/MWh sur des applications courantes
On observe ici que le coût du stockage est loin d’être négligeable et que le coût de l’électricité stockée pour prévenir des pannes de réseau (faible fréquence, faible durée) sera très élevé en raison de la faible utilisation des systèmes réservés à ces applications; qui sont généralement couvertes par un électro générateur de secours. Dans le cas d’un stockage journalier pour alimenter un logement doté de panneaux photovoltaïques (300-400 décharges par an, entre 4h et 16h de décharge), le coût de l’électricité stockée serait situé entre 200 US$/MWh et 650 US$/MWh en 2040.
De nouvelles opportunités de développement dans une filière qui devra s'adapter à des coûts de production en hausse
Les besoins de stockage se faisant croissant avec l’incorporation de production intermittentes sur le réseau, nous pouvons imaginer que demain, de nouveaux modèles d’activité basés sur le stockage d’électricité émergeront demain, de même que certaines entreprises se sont positionnées sur la flexibilité de la demande ou sur le développement des énergies renouvelables.
En plus de la sécurisation et de la fiabilisation de l’approvisionnement électrique, un enjeu clé sera la compétitivité de l’électricité produite face aux solutions actuelles que sont la mise en place de surcapacités pilotables (hydroélectrique, géothermie, nucléaire, biogaz et gaz, charbon, biocarburants et carburants). D'autres acteurs de la filière de l'énergie (réduction de la consommation, flexibilisation de la demande) pourraient être portés par cette mutation.
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